Revue de Presse du 16/05/2025

Rédigé le 16/05/2025


En résumé pourla semaine:

🌍 Panorama mondial du nucléaire

L’énergie nucléaire connaît un regain d’intérêt à l’échelle mondiale. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire atteindra un record de 2 900 térawattheures en 2025, représentant près de 10 % de la production mondiale. Plus de 70 gigawatts de nouvelles capacités sont en construction, notamment en Chine et en Russie, qui dominent les projets récents. Par ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) prévoit une multiplication par 2,5 de la capacité nucléaire mondiale d’ici 2050, avec une contribution significative des petits réacteurs modulaires (SMR). Le Point.fr20 Minutes+3Economie Matin+3AIEA+3


🇫🇷 Actualité nucléaire en France

EDF et la production de tritium

EDF a été mandatée par le ministère des Armées pour produire du tritium, un isotope essentiel à la dissuasion nucléaire française. Cette production se fera via les réacteurs de la centrale de Civaux, avec un démarrage prévu en 2025, après obtention des autorisations nécessaires. Ce projet vise à maintenir les stocks de tritium, qui se désintègre rapidement, à un coût réduit sans affecter la production électrique de la centrale. Le Monde.fr

Mobilisation syndicale contre la réforme salariale

Une grève a été organisée par la CGT dans plusieurs centrales nucléaires, dont Saint-Alban, Flamanville et Belleville, pour protester contre un projet de réforme de la grille des salaires. La CFE-CGC, également opposée au projet en l’état, a contribué à la suspension de la réforme jusqu’à début 2025, le temps de mener des travaux complémentaires. BFMTV


🏢 Focus sur Orano

Tensions au Niger

Orano a déposé une plainte au Niger suite à l’arrestation de plusieurs de ses employés et à la saisie de biens lors de raids menés par les services de sécurité nigériens. La société dénonce une détention arbitraire et illégale, ainsi que la confiscation injuste de ses propriétés. Ces événements s’inscrivent dans un contexte de nationalisation des ressources naturelles par les gouvernements militaires du Sahel. Le FigaroReuters

Investissements en France

Orano poursuit ses investissements en France pour sécuriser son approvisionnement en uranium et renforcer ses capacités industrielles. Un investissement de 1,7 milliard d’euros est prévu pour augmenter de 30 % la capacité de production de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse 2 à Pierrelatte, dans la Drôme. De plus, le programme "Aval du futur" prévoit la construction de nouvelles installations de traitement et de recyclage des combustibles usés à l’horizon 2040-2050 sur le site de La Hague. Le Figaro+1Le Journal des Entreprises+1Le Journal des Entreprisesorano.group


🤝 Engagement de la CFE-CGC

La CFE-CGC réaffirme son soutien à la filière nucléaire française en signant le contrat stratégique de la filière nucléaire aux côtés de trois autres organisations syndicales. Ce contrat vise à structurer le tissu industriel, préparer les technologies du futur et renforcer l’attractivité des métiers du nucléaire. CFE-CGC Le syndicat de l'encadrement

Par ailleurs, la fusion de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et d’une grande partie de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a donné naissance à l’ASNR (Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection). La CFE-CGC a créé une section syndicale au sein de cette nouvelle entité pour défendre les intérêts des salariés et garantir l’indépendance scientifique de l’organisation. cfecgc-irsn.fr+1BFMTV+1


Inspection à l'EPR de Flamanville : le gendarme du nucléaire pointe de graves lacunes

Après une inspection sur le thème des contrefaçons, falsifications et fraudes sur le site EPR de Flamanville (Manche), le gendarme du nucléaire, l'ASNR, a rendu un rapport sévère.

Dans une lettre de suite d’inspection, l’ASNR demande à EDF de revoir sa politique autour de la thématique « Prévention, détection et traitement du risque de contrefaçons, falsifications et suspicions de fraudes ». ©Archives Jean-Paul BARBIER

Par Solène LavenuPubliĂ© le 13 mai 2025

L’affaire avait secouĂ© le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche). En fĂ©vrier 2024, des journalistes rĂ©vèlent des cas de falsification impliquant un fournisseur d’EDF. Le chantier de Flamanville est directement concernĂ©. Certaines pièces, fournies par un sous-traitant, feraient l’objet d’une fraude. Mais difficile d’obtenir plus d’informations.

« Des irrĂ©gularitĂ©s ont Ă©tĂ© mises en Ă©vidence au sein de deux entreprises faisant partie de la chaĂ®ne d’approvisionnement d’EDF et produisant du matĂ©riel destinĂ© aux rĂ©acteurs nuclĂ©aires en fonctionnement ainsi qu’au rĂ©acteur EPR de Flamanville », concĂ©dait simplement l’AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire (ASN), dans un courrier adressĂ© Ă  EDF.

Une inspection menée en mars

La sĂ»retĂ© de la pièce ne serait pas mise en cause. Mais l’affaire a relancĂ© les inquiĂ©tudes autour des fraudes, contrefaçons et falsifications dans le secteur nuclĂ©aire.

Quelques mois plus tard, alors que l’EPR poursuit sa mise en route, le gendarme du nuclĂ©aire, l’ASNR, publie sur son site internet la lettre de suite d’inspection concernant l’EPR de Flamanville sur le thème « PrĂ©vention, dĂ©tection et traitement du risque de contrefaçons, falsifications et suspicions de fraudes ».

Pendant deux jours, les 19 et 20 mars 2025, les inspecteurs ont examinĂ© la mise en Ĺ“uvre de la politique de prĂ©vention, la formation du personnel autour de la thĂ©matique, la surveillance des intervenants extĂ©rieurs, la mise en place des dispositifs pour recueillir les signalements… Ils ont enchaĂ®nĂ© les entretiens auprès des services de la centrale et des prestataires. Et, d’une manière gĂ©nĂ©rale, après cet audit, l’avis de l’ASNR est sans appel, puisqu’elle constate de « nombreuses fragilitĂ©s dans l’organisation mise en Ĺ“uvre ».

Les inspecteurs ont constaté : « Des lacunes dans la dĂ©clinaison locale de la note nationale sur les irrĂ©gularitĂ©s ; une faible animation de la thĂ©matique, avec une absence de rituels et d’interfaces dĂ©diĂ©s ; l’absence de pĂ©riodicitĂ© des actions de sensibilisation… »

Deux mois pour réagir

La lettre de suite souligne que, d’une manière gĂ©nĂ©rale, il est « nĂ©cessaire de mettre en Ĺ“uvre une organisation permettant de piloter l’ensemble de la thĂ©matique irrĂ©gularitĂ© de manière plus robuste, et que la capitalisation autour du partage du REX est encore balbutiante et doit ĂŞtre amĂ©liorĂ©e rapidement Â». 

Sept pages de demandes suivent. EDF dispose désormais de deux mois pour formuler ses observations et indiquer les mesures correctives prises en réponse aux constats de l’ASNR.


Un millième de seconde sur 70.000 points : l'enquête sur la panne géante tient l'Espagne en haleine

Dix jours après la grande panne, les énergies renouvelables font figure de principal suspect, mais il faudra attendre des semaines avant de connaître les raisons de la chute du réseau. En attendant, le nucléaire gagne des adeptes.

Le 28 avril dernier, une panne générale a laissé l'Espagne et le Portugal sans électricité durant plus de huit heures. (Jon Nazca/Reuters)

Par Cécile Thibaud

Publié le 12 mai 2025

Deux semaines après la grande panne, l'Espagne cherche toujours la cause du grand black-out qui, le 28 avril dernier, a mis le pays à l'arrêt. « Toutes les hypothèses sont ouvertes », répète la ministre de la Transition écologique, Sara Aagesen, en charge des dossiers énergétiques, en parlant d' « un cumul de situations ».

L'opérateur du réseau espagnol (REE) a ouvert une enquête approfondie pour obtenir la photo de l'instant clé et repérer l'incident déclencheur afin de déterminer les causes. Une tâche qui suppose de scruter au millième de seconde près tout le réseau, soit 70.000 points critiques à travers le pays. Il faudra probablement des semaines pour connaître le résultat.

Ce qu'on sait pour l'instant, c'est qu'une forte variation de tension dans le sud de l'Espagne s'est produite, suivie 19 secondes plus tard de deux microcoupures quasi simultanées, à 1,5 seconde d'intervalle, si rapprochées qu'elles n'ont pas pu être absorbées par le réseau, ce qui a entraîné une dégradation en chaîne du système et provoqué la panne. La question est de savoir pourquoi se sont produits ces décrochages et s'il s'agit d'épisodes isolés ou s'ils font partie d'un même événement.

Les énergies vertes dans la mire

Les médias espagnols se font écho de documents de REE indiquant des épisodes de variations de tensions similaires, les 22 et 24 avril derniers. L'opérateur du réseau avait en outre averti dans son rapport annuel des fragilités du réseau, liées à la forte fluctuation des renouvelables.

Même si les connaisseurs du système appellent à la prudence, les énergies vertes et tout spécialement le photovoltaïque est en plein dans la ligne de mire. « Le problème ne provient pas du mode de production d'électricité mais plus de la capacité du réseau », explique néanmoins le consultant Carlos Cagigal, spécialiste en développement de projets industriels et énergétiques.

« Le rythme d'adaptation des infrastructures est lent par rapport à la rapidité de l'implantation des renouvelables, on sait que certains points sont saturés et, ce jour-là, il y a eu une conjonction de petits incidents qui sont venus se greffer sur ce problème de fond », avance-t-il. La solution pour amortir les fluctuations devrait passer, selon lui, par le biais d'infrastructures de stockage d'énergie, dont le déploiement est déjà avancé en Espagne où quelque 200 projets qui représenteront une capacité de réserve de 4GW sont actuellement dans les tuyaux.

« Tant qu'on ne sait pas ce qui s'est passé on ne peut pas savoir comment améliorer le système, avertit Jorge Morales, fondateur de la compagnie de distribution Proxima Energia. Si les soupçons se portent sur les énergies renouvelables, rien ne prouve encore qu'elles sont à l'origine de la panne, insiste-t-il. Le problème a pu venir d'un parc photovoltaïque comme d'une centrale nucléaire ».

Une tournure politique

Mais les débats ont pris une tournure politique. Le black-out a eu lieu alors que la production d'énergies renouvelables est de plus en plus importante en Espagne. Entre éolien, solaire et hydraulique, le secteur a généré 59 % de l'électricité du pays en 2024 et le gouvernement de Pedro Sanchez s'est fixé l'objectif de 80 % d'énergies vertes d'ici 2030.

Aux yeux de ses détracteurs, il est clair que le Premier ministre socialiste a voulu aller trop vite dans la transition verte. Madrid a en effet programmé une fin du nucléaire échelonnée entre 2027 et 2035, selon le calendrier négocié avec les grandes compagnies énergétiques propriétaires des centrales.

Dans les rangs de l'opposition, le leader du Parti populaire (centre droit), accuse Pedro Sanchez d' « irresponsabilité » et de « témérité » et se rapproche du lobby nucléaire qui se mobilise, depuis des mois, pour freiner cette sortie de l'atome et, surtout, négocier de meilleures conditions fiscales.

Le chef du gouvernement s'est dit prêt à « écouter » les propositions du secteur pour l'allongement de la vie des centrales, « à condition qu'elles soient viables économiquement et que cela ne se fasse pas au détriment du contribuable », dit-il.

Le nucléaire relancé ?

La question de la rentabilité est clé, alors que la hausse des taxes sur le recyclage des déchets radioactifs a rendu le recours au nucléaire nettement moins attractif que les énergies renouvelables. Au point qu'on voit de plus en plus souvent les compagnies propriétaires de centrales préférer les mettre à l'arrêt que de les faire fonctionner à perte.

Mais si les sept réacteurs que compte le pays peuvent fournir 20 % de l'électricité consommée, alors est-il bien raisonnable de se passer d'un mode de génération stable, tant que les systèmes de stockage d'énergie ne sont pas pleinement opérationnels ? José Bogas, le directeur général d'Endesa, la première compagnie énergétique du pays, prêche pour l'équilibre. « Il ne s'agit pas du nucléaire contre les renouvelables, toutes les technologies sont nécessaires pour donner plus de stabilité au système », rappelle-t-il.

 


Les ponts de mai font plonger les cours de l'électricité

Les ponts de mai et une production solaire record ont fait plonger les prix de l'électricité en France. Ce déséquilibre, de plus en plus fréquent, met sous pression la filière énergétique.

Les prix horaires négatifs deviennent un phénomène de plus en plus fréquent sur le continent. (iStock)

PubliĂ© le 9 mai 2025 

Avec un soleil abondant et une activité au ralenti, les prix de l'électricité française basculent dans le négatif. Pour la première fois depuis juillet 2024, le prix de l'électricité sur le marché de gros tricolore est passé sous la barre symbolique de zéro euro. Selon les données d'Epex Spot, le tarif journalier moyen s'est établi à - 1,05 euro par mégawattheure, plaçant la France au plus bas des grands marchés européens.

A l'origine de cette situation inhabituelle, deux phénomènes se conjuguent : un ensoleillement particulièrement fort et une consommation exceptionnellement basse, liée aux jours fériés du mois de mai. Samedi 10 mai, la production solaire devrait atteindre près de 14 gigawatts selon les prévisions de Bloomberg, proche du record absolu de 18 gigawatts enregistré fin mars. Or, en parallèle, la demande d'électricité chute fortement durant les ponts prolongés du mois de mai, où l'activité industrielle et tertiaire ralentit drastiquement.

« Malgré la volonté d'électrifier les usages, la consommation d'électricité n'a pas redémarré franchement depuis la crise du gaz et la flambée des prix de l'énergie en 2022 », explique Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie. La croissance molle et l'atonie industrielle pèsent notamment de manière durable sur les volumes.

Un phénomène en pleine accélération

Ce qui rend cet épisode particulièrement notable, c'est que le tarif négatif concerne le marché « day-ahead », celui sur lequel l'électricité est échangée la veille pour le lendemain. Il ne s'agit donc pas d'un simple prix horaire ponctuel, mais bien d'une moyenne journalière négative, signe d'une pression prolongée sur le réseau.

Les épisodes de prix négatifs, autrefois rares, sont désormais plus fréquents et structurels. Un rapport récent de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), publié fin 2024, met en évidence une forte progression : 102 heures de prix négatifs en 2022 (1,2 % du temps), puis 147 heures en 2023 (1,7 %), pour atteindre 359 heures sur l'ensemble de l'année 2024, soit environ 4,1 % du temps total annuel. La plupart de ces épisodes se concentrent en début d'après-midi et lors des week-ends prolongés, précisément quand la production solaire est au plus haut et la demande au plus bas.

Si ces baisses de prix peuvent sembler bénéfiques à court terme pour certains consommateurs industriels, elles mettent sous pression la filière énergétique. Certains producteurs peuvent subir des pertes financières lorsqu'ils vendent leur électricité à perte. Pour le premier semestre 2024, les pertes liées à ces heures négatives sont estimées par la CRE à environ 80 millions d'euros.

L'accélération massive de l'installation de nouvelles capacités solaires (la France prévoit d'ajouter encore 5 gigawatts en 2025 selon Bloomberg) risque de renforcer ces déséquilibres.

Le gouvernement a changé les règles du jeu

Paradoxalement, le système de soutien aux énergies renouvelables aggrave en partie le phénomène. Pour certaines centrales, ce mécanisme qui prévoit un tarif de rachat fixe de l'électricité produite ne contraint pas les installations solaires ou éoliennes à cesser de produire lorsque les prix de marché tombent sous la barre du zéro, ces dernières aggravent donc encore la surabondance d'électricité. Pour limiter ces effets, le gouvernement a changé récemment les règles du jeu.


J'aime l'industrie » : le nouveau PDG d'EDF, Bernard Fontana, réussit son grand oral au parlement

Les commissions des affaires économiques des deux chambres ont validé mercredi la nomination de Bernard Fontana, le candidat de l'Elysée à la direction d'EDF. Le patron de Framatome succédera la semaine prochaine à Luc Rémont, limogé en raison de désaccords profonds avec l'Etat actionnaire.

Agé de 64 ans, Bernard Fontana va être nommé pour un mandat de quatre ans à la tête d'EDF. (Vincent Poillet/REA)

Par Amélie Laurin

Publié le 30 avr. 2025

Bernard Fontana a réussi son grand oral. Le candidat de l'Elysée à la présidence direction d'EDF a été adoubé par les parlementaires ce mercredi.

Le patron de Framatome a obtenu 55 voix «pour» sur 98 votants, après trois heures et demie d'auditions successives par les commissions des affaires économiques du Sénat et l'Assemblée nationale. Une victoire malgré la surprise d'un vote négatif au Sénat (28 «contre» sur 43 votants), et malgré l'avis défavorable du rapporteur LFI Matthias Tavel à l'Assemblée nationale, qui regrette le « flou » sur le prix futur de l'électricité pour les grands industriels.

Prix des EPR2 et de l'électricité

A 64 ans, Bernard Fontana va devenir PDG d'EDF en remplacement de Luc Rémont, limogé le mois dernier par l'exécutif à cause de profonds désaccords avec l'Etat sur le coût et le financement des futurs réacteurs nucléaires EPR 2 et sur le prix de l'électricité pour les industriels gros consommateurs.

Bernard Fontana était attendu au tournant par les élus sur ces deux dossiers sensibles. Mais aussi sur la souveraineté énergétique de la France, sur la place des énergies renouvelables, sur la solidité financière et industrielle d'un groupe lourdement endetté et enfin sur « l'équation impossible » liée au statut d'une société anonyme au service du « bien commun », de l'avis d'une partie des élus.

Face à l'ampleur de la tâche, le futur PDG a affirmé n'être saisi d'aucun « vertige ». Et s'est voulu rassurant : EDF est « capable de construire des centrales » nucléaires sous réserve de « renforcer la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre » interne et de travailler au respect des délais, une obsession pour ce dirigeant réputé « cost-killer ».

Si Bernard Fontana s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur qui « a mis EDF l'a où il est, sur des bases qui permettent d'avancer », il veut en revanche trouver de nouvelles « marges de manoeuvre » vis-à-vis des industriels d'électro-intensifs face au blocage entre EDF et ses grands clients. De nouveaux contrats de long terme, baptisés CAPN, doivent prendre le relais de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), un régime de prix bas qui s'éteint le 1er janvier prochain.

« J'aime l'industrie »

« J'aime l'industrie, j'y ai consacré toute ma carrière », a déclaré Bernard Fontana en préambule de son intervention. Les parlementaires ne l'ont d'ailleurs pas interrogé sur son parcours, son profil d'industriel chevronné étant reconnu par tous. Passé par ArcelorMittal et Holcim, le futur patron d'EDF s'est illustré en redressant Framatome (ex-Areva NP), filiale d'EDF spécialiste des cuves de réacteurs et des combustibles nucléaires.

Sur les choix énergétiques de la France, actuellement en discussion, Bernard Fontana a soigneusement évité de rentrer dans la bataille entre les pronucléaires et les partisans du solaire et de l'éolien. « Le tempo pour les [énergies] renouvelables en France est donné par l'Etat », a-t-il déclaré.

Le Premier ministre François Bayrou a déminé le terrain lundi, à l'Assemblée nationale, en repoussant la future Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Le décret sera publié « d'ici à la fin de l'été », après le vote de l'Assemblée nationale sur une loi de programmation de l'énergie, ressortie du tiroir par le Rassemblement national.

Nouveaux administrateurs

La nomination de Bernard Fontana sera validée lundi par l'assemblée générale annuelle d'EDF, dont l'Etat est l'unique actionnaire. Il reviendra ensuite au Président Emmanuel Macron de l'officialiser en signant un décret attendu lundi ou mardi prochain. Le nouveau PDG prendra ses fonctions dans la foulée.

Le changement de capitaine d'EDF s'accompagnera d'un renouvellement d'un tiers du conseil d'administration. Outre la non-reconduction de Luc Rémont, qui sera resté seulement deux ans et demi à son poste, quatre mandats d'administratrices arrivent à échéance.

Signe de l'impuissance ressentie par certains membres du conseil face aux tensions entre l'Etat actionnaire et Luc Rémont, l'un d'eux, l'investisseur Bruno Crémel, a claqué la porte. Philippe Petitcolin, ancien patron de Safran, souhaite quant à lui partir d'ici à la fin de l'année, indiquent plusieurs sources qui confirment une information de BFM Business. Doyen du conseil, il présidera l'assemblée générale de lundi, en l'absence de Luc Rémont.

Les noms des futurs administrateurs proposés par l'Etat n'ont pas été transmis aux membres actuels, qui s'attendent à les découvrir le jour J. Autre inconnue, la succession de Bernard Fontana chez Framatome.

Amélie Laurin

 


 

Politiques énergétiques en Europe : il est temps de rallumer les lumières

Le récent black-out ibérique sonne comme un appel à regarder en face les vulnérabilités du système électrique européen à court et moyen terme, analyse Cécile Maisonneuve.

Les réseaux électriques européens sont aujourd'hui poussés à leurs limites et fragilisés par le développement massif des énergies renouvelables intermittentes sans que les investissements dans le stockage, la flexibilité et les interconnexions suivent, explique Cécile Maisonneuve. (MIGUEL RIOPA/AFP)

Par Cécile Maisonneuve (Fondatrice de Decysive)

Publié le 4 mai 2025 à 17:00Mis à jour le 4 mai 2025 à 17:07Votre abonnement vous permet d’accéder à cet article

Depuis 2022, l'Europe affronte une série de crises énergétiques qui sonnent comme des rappels au réel. La guerre en Ukraine l'a confrontée à son choix de dépendance massive aux énergies fossiles russes ; la brutalisation des relations internationales la met face à ses choix de mener une transition énergétique chère qui dégrade sa compétitivité sans considération du contexte global.

Dans quelle mesure le black-out qui a paralysé la péninsule ibérique pendant presque 24 heures s'inscrit-il dans ce contexte de crise structurelle du système énergétique européen ? La question est centrale dès lors que l'électricité est supposée devenir la colonne vertébrale de notre système énergétique : sa part dans la consommation d'énergie finale européenne doit passer de 23 % à 50-60 % en 2050.

Sans prétendre tirer les leçons du black-out ibérique dont le fait générateur et l'enchaînement précis des causes restent flous à cette date, il sonne comme un appel à regarder en face les vulnérabilités du système électrique européen à court et moyen terme.

Réseaux poussés à leurs limites

Les pays européens ont, depuis plusieurs décennies, construit des réseaux électriques extrêmement solides, d'une grande qualité, atouts stratégiques par rapport à nos compétiteurs. Or ils sont aujourd'hui poussés à leurs limites et fragilisés par le développement massif des énergies renouvelables intermittentes sans que les investissements dans le stockage, la flexibilité et les interconnexions suivent.

Les gestionnaires de réseau européens multiplient les alertes en ce sens depuis plusieurs années, mettant en garde notamment contre la réduction de la résilience des réseaux, c'est-à-dire leur capacité à répondre rapidement à des chocs. Ils se sont d'ailleurs récemment exprimés assez fort dans le rapport annuel qu'ils établissent au travers de leur association européenne, ENTSOE, sur l'adéquation entre offre et demande d'électricité à un, trois et cinq ans.

Le ton feutré et technique ne doit pas tromper : les fragilités du système actuel vont s'aggraver d'ici à 2030 si les tendances actuelles se poursuivent. Les capacités des énergies renouvelables intermittentes devraient bondir de 150 à 400 gigawatts (GW) pour le solaire, de 170 GW à 500 GW pour l'éolien d'ici à la fin de la décennie. Les interconnexions transfrontalières, prévues pour augmenter de 50 % d'ici à 2030, exploitent la force du réseau européen pour atténuer ces déséquilibres, mais elles ne suffiront pas face à un système trop dépendant de sources aléatoires.

Pour éviter les ruptures, 50 GW de capacités gazières supplémentaires seraient nécessaires d'ici à 2030, mais, comme le souligne pudiquement le rapport, bon courage pour trouver les investisseurs qui accepteront de prendre le risque d'un investissement dans des actifs à l'usage aussi sporadique, plus encore si la demande reste atone… La baisse de la part des capacités pilotables va donc s'accentuer en Europe.

Dégradation de la sécurité énergétique

Derrière ces débats techniques se niche une question fondamentale : celle de la sécurité énergétique de l'Europe, encore et toujours. Traditionnellement, évoquer la sécurité énergétique revenait à s'interroger sur les risques liés à l'importation d'énergies fossiles dans une Europe qui en produit de moins en moins. Parler de sécurité énergétique, c'était parler de la stratégie de Riyad, de la demande chinoise, des routes commerciales, des tensions diplomatiques qui conditionnent nos approvisionnements.

Les énergies renouvelables remplacent les énergies domestiques, pas les énergies importées.

Ces risques traditionnels sont toujours là car la sécurité énergétique de l'Europe se dégrade inexorablement. Un chiffre suffit à illustrer cette trajectoire inquiétante : en 1985, l'Union européenne importait 38 % de l'énergie qu'elle consommait. En 2024, ce chiffre atteint désormais 54 %, révélant une dépendance croissante vis-à-vis des approvisionnements extérieurs. Les énergies renouvelables remplacent les énergies domestiques, pas les énergies importées. Et ces énergies importées pèsent bien au-delà de la balance extérieure de l'Union.

Les experts du service de recherche de la Commission européenne l'ont démontré dans un rapport de 2023 : en 2022, les centrales à gaz fixaient le prix de l'électricité dans 55 % des cas, tout en produisant seulement 19 % de l'énergie. En 2030, leur influence restera similaire, malgré une production réduite à 11 %.

A ces risques traditionnels liés à l'économie mondiale et à la géopolitique, il faut donc maintenant compter avec les vulnérabilités inhérentes au système énergétique que nous construisons dans le sillage des politiques de neutralité carbone. Au-delà des vulnérabilités internes évoquées, il est exposé à de lourdes vulnérabilités externes de nature géopolitique : les pays nordiques voient se multiplier les opérations ou les tentatives de sabotage de leur infrastructure électrique. L'Europe s'enferme dans une relation asymétrique avec la Chine, qui contrôle aujourd'hui 80 % de la production mondiale de panneaux photovoltaïques et 64 % des ventes mondiales de batteries.

Les pays européens, solidaires de fait, doivent regarder toutes ces vulnérabilités en face. Cela commence par un changement de méthode : le niveau d'idéologie dans la définition et la conduite des politiques énergétiques devient dangereux. La sacralisation ou la diabolisation de telle ou telle énergie n'ont pas leur place. Il faut mettre autour de la table de discussion les professionnels de l'énergie et non les professionnels de la subvention ou de la donation. Pour rallumer les lumières en Europe, écoutons les gens du métier et le marché.

Cécile Maisonneuve est fondatrice de Decysive.

 


Khavda, le désert qui pourrait éclairer l'Inde

Alors que les grandes villes suffoquent sous la pollution, le pays de Narendra Modi engage un projet solaire pharaonique à Khavda. Dans « La Story », le podcast d'actualité des « Echos », Pierrick Fay et son invité Nicolas Rauline détaillent comment l'Inde veut faire de son désert la clé de son indépendance énergétique.

Publié le 2 mai 2025

On connaît la démesure de Narendra Modi dans les travaux qu'il engage pour son pays. Après avoir transformé Delhi, qui vit depuis des années au rythme de multiples chantiers, il veut mettre le cap sur les énergies vertes dans les mêmes proportions. Les renouvelables ont certes progressé ces dix dernières années mais les énergies fossiles représentent toujours 80 % du mix de l'Inde, dont 40 % de charbon.

Alors que les grandes villes du troisième pays émetteur de gaz à effet de serre dans le monde étouffent sous un brouillard de particules fines, l'Inde veut accélérer la voie des renouvelables. Elle s'inscrit dans un objectif d'indépendance énergétique pour faire également baisser ses importations en hydrocarbures. L'Inde vise 500 GW de capacité d'ici 2030. Soit presque huit fois plus que ce que produit le parc nucléaire français.

Roi soleil

Le solaire est l'objet de grands projets. L'un d'eux peut être qualifié de pharaonique. Grand comme cinq fois Paris, le parc de Khavda au nord-ouest de l'Inde, à la frontière du Pakistan, doit accueillir à terme, outre des éoliennes, 60 millions de panneaux solaires.

Ce sont des robots qui vont les installer à perte de vue. Le chantier devrait coûter 20 milliards de dollars. Il comprend le déploiement de 150 km de fibre optique et une piste d'atterrissage. 15.000 travailleurs sont attendus au plus fort des travaux.

La gestion du projet a été confiée à Gautam Adani qui s'est associé au français TotalEnergies. Mais le milliardaire indien, incontournable des grands projets dans son pays, est dans le viseur de la justice américaine pour des faits de corruption. On le suspecte d'avoir versé pour 265 millions de dollars de pots-de-vin à des fonctionnaires du gouvernement indien pour remporter des marchés dans l'énergie solaire.


Baisse des prix du pétrole : alerte à la marée noire

La baisse des cours du brut – sous les 60 dollars – est une bonne nouvelle pour les consommateurs et pour Trump. Mais c'est une très mauvaise nouvelle pour l'électrification et les renouvelables.

Christophe Jakubyszyn (Kim Roselier pour « Les Echos »)

Publié le 5 mai 2025

Au secours, le pétrole revient ! A moins de 60 dollars le baril depuis quelques heures (et bientôt 50, voire sous les 40 si on en croit certains analystes), la marée noire va de nouveau déferler sur la planète. La décision de l'Opep + d'ouvrir grand les vannes – alors que la croissance mondiale et donc la demande devraient ralentir – nous prépare des mois d'énergie fossile à bon marché.

Un antidote Ă  l'inflation

Une bonne nouvelle pour les consommateurs, dont la sensibilité au prix à la pompe est telle que pour eux le carburant est souvent synonyme d'inflation. Une aubaine pour les automobilistes européens, qui bénéficieront en outre de la revalorisation de l'euro par rapport au dollar. Les conducteurs américains applaudiront à une nouvelle baisse du gallon au moment où s'ouvre la « driving season ». Une bénédiction pour Donald Trump, qui peut espérer que la baisse du pétrole lui soit imputée et compense, dans la perception des consommateurs, l'effet inflationniste de ses mesures douanières.

C'est d'ailleurs le pari des Saoudiens, et de leurs soutiens - notamment russes – que de faire plaisir à court terme au président américain tout en gagnant, à terme, des parts de marché au détriment du schiste américain. Sous les 60 dollars, nombre de projets d'extraction s'arrêteront faute de rentabilité. On est loin de la promesse de Donald Trump à ses majors : « drill, baby, drill ». Si l'industrie pétrolière a financé sa campagne, ce sont les électeurs qui voteront pour les midterms…

Taxe carbone

Enfin, et surtout, cette marée noire annoncée est une catastrophe pour la planète et la stratégie d'électrification et de développement des énergies renouvelables (y compris du nucléaire) dont le modèle économique va se dégrader.

A moins que l'Europe accélère et amplifie la mise en oeuvre du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (la fameuse « taxe carbone ») dont l'application aux carburants n'est pour le moment prévue qu'en 2027. Pas pour augmenter la facture des automobilistes, mais au moins pour empêcher qu'elle ne s'effondre.

 


La Chine envisage un réacteur nucléaire (de conception russe) pour sa future base lunaire

La Chine prévoit de construire une mini-centrale nucléaire sur la Lune pour alimenter sa future base habitée prévue d’ici à 2035. S'appuyant sur le savoir-faire russe, l'infrastructure énergétique doit permettre une source fiable d’énergie dans l’environnement extrême du satellite.

 

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La Chine envisage un réacteur nucléaire (de conception russe) pour sa future base lunaire
Un réacteur nucléaire pourrait permettre de produire de l'électricité pendant les nuits lunaires qui durent 14 jours.

Alors que les AmĂ©ricains viennent de renoncer Ă  une grande partie de leur programme lunaire, la Chine, elle, veut y installer une centrale nuclĂ©aire. Objectif : Ă©lectrifier la Lune pour y bâtir une base habitĂ©e dès les annĂ©es 2030. C’est ce qu’a annoncĂ© Pei Zhaoyu, ingĂ©nieur en chef de la mission Chang’e-8, fin avril 2025.

La centrale ferait partie intĂ©grante de la Station Internationale de Recherche Lunaire (ILRS), un projet sino-russe lancĂ© en 2021, qui doit permettre une prĂ©sence robotique permanente autour de 2030 pour prĂ©parer l’arrivĂ©e dĂ©finitive de l’Homme vers 2035. Si le nuclĂ©aire semble radical, c’est parce que la Lune a des nuits de 14 jours et des tempĂ©ratures extrĂŞmes. Les panneaux solaires ? C’est très bien en journĂ©e, mais une fois la nuit tombĂ©e… l’atome s’avère utile pour continuer d’alimenter la future base lunaire. Et qui dit nuclĂ©aire dans l’espace, dit bien sĂ»r Russie, hĂ©ritière de la recherche soviĂ©tique sur le sujet. Pour Wu Weiren, architecte du programme lunaire chinois, Moscou a mĂŞme une longueur d’avance sur Washington.ous les indices 

Une mission test en 2028

La centrale nucléaire n’a pas été formellement confirmée, mais son inclusion dans une présentation officielle à 17 pays, à l’occasion de la mission Chang’ e-8, est perçue comme un feu vert implicite. Prévue en 2028, elle doit permettre tester tout ce qu’il faut pour une future base lunaire : l’extraction d’oxygène du régolithe, la fabrication de briques à partir des matériaux locaux et la production d’énergie. Un réacteur nucléaire modulaire de petite taille pourrait y être intégré comme prototype. En parallèle, la Chine voit les choses en grand et va embarquer les instruments de dix pays partenaires, dont la Turquie, le Pakistan ou l’Égypte sur notre satellite naturel. De quoi faire rêver Pékin et Moscou d’une "communauté lunaire de destin partagé".